A la cour Espagnole et Portugaise, le tabac fut longtemps utilisé comme simple plante d'ornement. Ce n'est qu'au milieu du XVIe siècle que le médecin personnel de Philippe II commença à le propager en temps que médicament universel servant à soigner les rhumes, l'asthme et les troubles circulatoires pour n'en citer que quelques uns.
 
Le tabac arriva en France vers 1556. L'histoire raconte que ce serait André THEVET (1524-1592), moine Angoumois de l'expédition de Villegagnon, revenant du Brésil, qui en rapporta un sac plein de graines et qui les sema dans sa terre natale.
 
La large feuille nervurée fut d'abord fumée dans une pipe puis fut prise sous forme de poudre hachée à l'aide d'une râpe.
 
Le tabac à priser dut son succès en France grâce à son introduction auprès de Catherine de MEDICIS (1519-1589), femme d'Henri II (1519-1559) - qui deviendra régente du royaume à sa mort - et dont l'un de ses fils, Charles IX (1550-1574) futur roi de France, souffrait de violentes migraines et qu'aucun médecin n'avait réussi à guérir.
 

image: http://www.loire-france.com

Catherine de Médicis et son fils Charles IX
 
Jean NICOT (1530-1600) alors Ambassadeur de France au Portugal où il avait découvert les vertus médicales du tabac l'introduisit à la cour de France et conseilla ce remède au jeune prince. Après quelques prises de tabac en poudre et plusieurs éternuements, ses migraines s'atténuèrent.
 
image: http://www.france-tabac.com*
Jean NICOT / NICOT offrant une prise à Catherine de Médicis
 
Enveloppe 1er jour d'émission Jean NICOT- Nimes 25 mars 1961
 
Le traitement fut un réel succès. La reine mère en assura ainsi sa promotion et toute la cour se mis à priser. Il fut d'abord vendu chez les seuls apothicaires sous divers noms: "Herbe à la reine", "Cathérinaire", "Médicée", "Herbe à Nicot", "Herbe à l'Ambassadeur"...
 
En hommage à Jean NICOT, les botanistes appelèrent cette plante à tabac "Nicotiana tabacum".
 
  
image: A history of smoking by count Corty / braken books
 "Quoy qu'en dise Aristote, & sa digne Cabale, Le Tabac est divin, il n'est rien qui l'égale. C'est dans la médecine un remède nouveau, il purge, réjouit, conforte le cerveau, De toute noire humeur promptement le délivre, Et qui rit sans Tabac n'est pas digne de vivre" Molière
 
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Plus tard, ses vertus sternutatoires et l'agrément que l'on éprouvait à respirer une poudre odorante susceptible de masquer les odeurs fort peu agréables des rues à cette époque fit que la mode s'étendit dans tout le Royaume. On ajouta au tabac à priser des herbes ou huiles fines afin d'en affiner le goût.
 
Le tabac à priser, quelque peu exotique, fut principalement réservé aux narines délicates des aristocrates puis des bourgeois alors que la chique ne pouvait convenir qu'aux bouches les plus rustres.
 
On prisa donc dans un premier temps pour se soigner puis ensuite pour le plaisir.
 
Priser du tabac devint très répandu en Europe et dans les salons Européens il était fréquent d'être interrompu dans sa conversation par le son d'un éternuement alors considéré comme distingué. Les femmes prisaient avec autant d'ardeur que les hommes. Il était de bon ton de changer de tabatière chaque jour. Celles-ci s'adaptaient volontiers aux vêtements comme aux états d'âme de leur propriétaire. Extraites de la poche ou d'un petit sac, on les passait de main en main dans les salons ce qui permettait de déterminer le rang social et la richesse du propriétaire.
 
De ce fait, les tabatières très souvent décorées devinrent le dernier accessoire à la mode mais aussi un important symbole de statut social.
  
A ce titre, la tabatière était souvent offerte comme cadeau ou portée en tant que bijoux.
Elles s'offraient volontiers en gage d'amour avec le portrait de l'être aimé, ou pour signifier son amitié.
 
 
Les modèles précieux, remplis d'argent ou de pierres précieuses se transformaient en cadeaux diplomatiques ou militaires.
 
Louis XIV, qui n'était pas priseur en faisait faire de nombreuses et des plus coûteuses, pour les offrir aux représentants des puissances étrangères auxquels il avait à faire .
Les tabatières étaient alors principalement faites d'or rehaussé de pierres précieuses, d'argent, en émail, en nacre, porcelaine, en laque d'orient ou en vernis Martin (imitation de laque).
 
Vernis Martin
 
 
Avec le temps et l'essor de sa culture (le tabac en poudre des fermiers généraux fabriqué principalement à MORLAIX était très apprécié), le tabac devint de plus en plus populaire pour finalement toucher toutes les couches de la société.
 
Ainsi, à la Révolution, la tabatière n'est plus réservée aux gens riches, le tabac s'est démocratisé et le peuple prise. D'ailleurs, la République adoptera la tabatière comme cadeau officiel.
 
 
 
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Tabatière sarcastique révolutionnaire en vernis Martin représentant
un sans-culotte couvrant Louis XVI du bonnet phrygien.  
 
http://www.centrepompidou.fr
Tabatière révolutionnaire
de l'ensemble : Mur de l'atelier André Breton; Centre Pompidou.
 
Art populaire
Tabatière à secret, elle contient une figuration du temple. Surmontée d'un
bonnet phrygien, elle est gravée du compas, de l'équerre, du fil à plomb,
au dessus des tables de la nouvelle loi (Constitution). Une autre face
représente l'entrée du Christ à Jérusalem.
Bois 4,4 x 8,5 x 4 cm
 
Centre Pompidou - Musée national d'art moderne
Photo : Georges Meguerditchian
Documentation des Collections du Mnam (diffusion RMN)
(c) droits réservés
 
 
Tabatière de républicain représentant une tête ornée de lauriers;
A noter la mention: "Je suis républiquin", "vive la liberté "
 
La tabatière devint également le signe de ralliement des sans- culottes et fut grandement utilisée par l'armée.
 
L'or fut remplacé par le pomponne : alliage mis au point par deux orfèvres, Turgot et Daumy, installés à la fin du XVIII siècle dans l'hôtel de Pomponne, rue de la verrerie à Paris. Il s'agit d'un métal à base de cuivre destiné à imiter l'or ou l'argent. Louis XV leur accorda un privilège de fabrication, alors que jusqu'alors, toute imitation était interdite.
 
 Pomponne
 
De nouveaux matériaux virent le jour: papier mâché, cuir, écorce... La servante, la lavandière comme le plus pauvre des paysans portaient dans leurs blouses une "fiole à priser ".
 
image: http://perso.wanadoo.fr/arhfilariane.org/region/tabac.htm
 
Ainsi, d'abord vendu chez les seuls apothicaires, le tabac fini par trôner derrière les comptoires d'épicerie avant de rejoindre certaines maisons de jeux et débit de boissons nommés "tabagies" .
 
Il existe de nombreuses formes et tailles de tabatières, soit de poche soit de table, selon son utilisation à l'extérieur ou à l'intérieur.
 
La tabatière se doit d'être plate et de petite dimension afin de pouvoir trouver aisément sa place dans la poche pour ne pas gêner son utilisateur. Sa forme doit faciliter la main à la garder horizontale, son ouverture suffisante pour permettre la pincée de deux doigts et sa fermeture parfaitement étanche pour éviter toute humidité non désirée.
 
Quant aux tabatières dites "secouettes", elles se caractérisaient par le fait qu' à la différence des tabatières classiques, elles n'avaient pas de couvercle mais possédaient un trou qui était à l'origine pourvu d'un bouchon de liège. Ainsi, les marins Français, principalement Bretons, utilisaient des secouettes faites d'argile cuite. C'est à la ville de Quimper qu'est associé leur fabrication.  

 

Secouette en grès "au lion"